Dimanche 15 décembre 2024

L'année en pente dure


Le titre est un peu exagéré (la pente n'est pas si dure pour le moment) mais ça rendait mieux comme ça. Au niveau mondial, cette année, c'était la catastrophe (et le pire ce que c'est sans doute mieux que les années suivantes) mais même d'un point de vue personnel, on reste sur du moins bien. On va commencer par là.

Au retour de mes vacances de fin d'année, j'ai contacté mes parents pour un appel hebdomadaire et ma mère m'a dit que mon père était très fâché contre moi et ne veut plus me parler. J'ai été étonné car il ne m'en avait rien dit (pour préserver l'ambiance chez ma soeur ?). Au téléphone, il m'a confirmé ça, parait-il que je le prends pour un con, et que s'il avait fait ça avec son propre père, cela ne serait pas passé. Là, j'ai un peu souri car je sais qu'une partie de nos désaccords vient de nos différences d'analyse politique (l'autre partie c'est quand je lui fais remarquer que même s'il fait une partie des tâches ménagères, il ne se lève jamais à table (ma mère ayant la mauvaise habitude de se lever au bout de 2 micro-secondes, ce qui n'aide pas) ou du fait que quand il a un rhume d'homme, il le rappelle tout le temps) : il ne supporte pas vraiment quand je remets en cause son analyse (et fun fact, je pense que son père serait plutôt de mon avis). Il est engoncé dans ses privilèges (ce qui n'est pas une tare) mais ne s'en rend pas compte (ce qui est plus embêtant). Quand il me sort que s'il faut mettre l'extrême-droite au pouvoir, ce n'est pas si pire car ils ne feront rien, que les gens seront déçus et voteront autrement ensuite, je n'ai pas laissé passer. Déjà car c'est avoir une grosse confiance dans un système politique dont toutes les digues ont sauté (qui croit vraiment de manière certaine à une transition pacifique ?), et quand bien même, oui, nous en 5 ans d'extrême-droite, on ne souffrira pas trop mais, si on est d'une minorité de peau ou de genre, c'est dur de se dire que ce n'est qu'un mauvais moment à passer. Si quelqu'un de sa famille était trans, cela lui ouvrirait peut-être les yeux. Enfin bref, il ne me parle plus au téléphone : je suis allé chez mes parents au printemps, il était chez sa soeur à alterner bricolage et généalogie. J'avoue que ça m'embêtait un peu de le chasser de facto de chez lui car ce n'est pas ce que je veux. Ma mère n'a pas pris son parti, et ça aussi ça m'embête car je ne veux pas être une source de conflit entre eux. L'été, je suis retourné chez eux, il était là et j'ai gardé en moi ce qui m'énervait pour préserver l'ambiance. N'empêche qu'il s'est quand même cassé un truc à mes yeux. On est parfois en contact sur des trucs d'informatique ou de généalogie (il s'y prend comme un manche à vouloir faire ça sur tableur alors qu'il existe des logiciels faits pour, je lui en ai parlé une fois, ça n'a pas pris, je me tais, après tout, s'il veut perdre du temps, ça le regarde. "Laisse le, ça l'amuse" dit ma mère) mais ça reste ponctuel. J'ai l'impression qu'il se renferme sur le sport à la télé et les sites d'actu tandis que ma mère vaque à ses occupations. Ils partagent la même maison mais de manière assez séparée (j'exagère un peu, ils mangent ensemble et font aussi quelques activités, mais tout de même). Je peux supposer qu'après 50 ans de mariage, c'est assez normal, mais ça m'inquiète un peu. Du côté de ma soeur, disons que je l'ai croisée cet été. Mais avec son compagnon et son beau-fils racistes, j'ai du mal. On évite d'en parler car on sait très bien ce qu'il en est mais je n'ai pas trop envie de prolonger le contact (de plus, ma nièce a 13 ans et est vraiment une ado trop rebelle, ce qui est normal mais ça incite moins à passer du temps avec elle vu qu'elle s'en fout). D'ailleurs, j'ai aussi quasi coupé contact avec le cousin de mon père et son épouse car ils sont encore plus racistes qu'avant ("non mais elle n'est pas pro Poutine comme lui", super, la belle affaire). Peut-être que je me radicalise aussi mais je ne peux pas faire abstraction de ce genre de différences et faire comme si de rien n'était. Et qu'on ne vienne pas me taxer que je refuse de parler à des gens qui ne pensent pas comme moi : je peux imaginer vivre avec quelqu'un qui apprécie le café ou les telenovelas. Mais pas avec des personnes qui promeuvent ou s'accomodent du racisme. Apparemment c'est un point accessoire pour ma soeur ; sa vie, son choix. Mais ça m'attriste et m'inquiète quand même.

Dans les autres déceptions, il y a le fait que j'ai revu au printemps le meilleur prof de ma vie, mon prof d'allemand de classe de première. On s'écrit toujours pour la nouvelle année et vu que j'étais pas loin, il m'a invité au resto avant de m'embarquer chez lui. Veuf, 90 ans, toujours alerte, toujours passionné par l'allemand. Ma déception a été quand il a développé son discours anti-vax. J'aurais aimé que ce ne fut qu'une phrase, vu que je ne relançais pas. Quand il a insisté, j'ai dit que je préférerais qu'on change de sujet car on ne serait pas d'accord. Il a maugréé un peu mais a compris que c'était la meilleure chose à faire. Au final, ça me fait plaisir de le revoir mais il me reste un petit goût amer dans la gorge. Peu après, je suis revenu dans la ville où était mon lycée : trente ans après, des choses ont bien changé, d'autres noms, des souvenirs sont revenus. Je doute y revenir avant ma mort, alors c'était une chouette visite.

D'un point de vue santé, j'ai eu quelques alertes aussi. Peut-être lié à mon boulot (voir plus bas) mais j'ai eu quelques pépins, on va dire digestifs pendant de nombreux mois. Et aussi une paupière qui papillonne pendant plusieurs semaines. Début octobre, je suis tombé sans raison particulière alors que je commençais un footing (1200 km cette année tout de même, et des performances bien nulles à la seule course faite. Certes, il pleuvait mais je ne sais pas si c'est uniquement la raison). J'ai eu mal pendant plus de 15 jours, ce qui fait que je suis allé voir un médecin (première fois en cinq ans) car à force de gérer ça par le mépris, ce serait bête de rater un truc grave. Fun fact, ayant passé les 50 ans (eh oui, Toikimeli), j'ai reçu un courrier pour un dépistage de cancer et il fallait mettre un médecin. La pharmacienne m'en a conseillé un dans le coin, je lui ai écrit, il a dit "OK", même si je ne l'avais pas vu jusqu'en octobre. Il m'a ausculté, apparemment, rien de grave (et de fait, ça s'est rétabli avec le temps), et il était content que je fasse de l'exercice mais ce serait bien aussi de muscler le haut du corps dans un club (payer 50 CHF par mois pour ça, bof). Comme c'était lié à un accident, cela ne m'a rien coûté (merci l'assurance du boulot). Il voudrait quand même un jour un bilan sanguin car il se peut que j'ai un oedème... J'en ai parlé au don de sang mais ils ne font pas des tubes en rab (ça m'aurait étonné). Donc je repousse à un autre jour.

Côté boulot, j'écrivais l'an dernier "En plus, je m'entends vraiment bien avec mon chef. J'ai conscience de la chance que j'ai de l'avoir, au point que la plupart des dimanches soirs, je me dis "Chouette, demain, je vais au boulot". Je sais que ma hiérarchie va changer l'an prochain ce qui risque de modifier cet équilibre mais pour l'instant, profitons de cette sérénité."  Là, ça va beaucoup moins bien. Le directeur financier avait annoncé son départ à fin mars. Mon chef a postulé au dernier moment pour le remplacer, a été choisi fin février. Cela signifie que je ne l'ai quasi plus vu à partir de cette date, et qu'il fallait recruter son successeur. J'ai été candidat mais ne convenais pas. Et mi-mai (ce qui fait un laps de temps assez court tout de même), mon nouveau chef est arrivé : mec de 35 ans, très technique, qui a été embauché pour changer des trucs (ce que je n'aurais pas été en mesure de faire, soyons honnêtes). Il s'est donné à fond et s'est rendu compte un peu tard qu'ici il faut prendre son temps, convaincre... voire attendre que cela explose pour proposer une alternative. Le souci, c'est qu'il est très colérique et abrupt. Je tente de prévenir de trucs mais il ne m'écoute pas car il est surchargé (soupir). Cerise sur le gâteau depuis mi 2022, on était (lui ou son prédecesseur) dans un bureau à part au "mauvais" étage. Et là il vient de nous faire déménager au "bon" étage : lui va dans le bureau de la cheffe comptable, et moi je rejoins un open-space avec trois autres personnes, dos au couloir, près de la seule salle de pause du bâtiment. Mon chef n'a pas compris quand j'ai caché ma joie... Objectivement, je pense qu'on va moins bien travailler car on ne pourra plus se parler au débotté (il me promet de me voir quand je voudrais, blablabla, mais mec tu seras à 20 mètres de moi avec trois portes qui nous séparent, et avec une autre personne dans ton bureau, donc forcément on va moins parler). Je crois aussi que je vais moins bien travailler (et honnêtement avoir moins de moments persos pour moi, mais chut). Donc je suis un peu déprimé du management et du déménagement. Il est loin le temps où j'étais content d'aller au boulot. Dans un an, j'ai mon évaluation, j'avoue que je crains un peu ce que je vais entendre. Je subodore aussi que mon chef est un ambitieux et que dans quelques années il partira, mais là je ne suis pas sûr de postuler. Moi ce que je veux c'est "gérer" (en pente douce pour le coup), jusqu'à la retraite ou la mort. Ma situation professionnelle est encore agréable mais elle se déprécie.

A part ça, dans le monde. Ben, c'est la cata. La France s'enlise dans l'autoritarisme (et ce sera pire après). Outre-Atlantique, on s'achemine vers quatre ans (au moins) de règne affreux. J'ai assez confiance sur le fait qu'à long terme on va vers le mieux. Mais vu l'urgence climatique qu'on ignore (en plus de la brutalité du capitalisme qui est prêt à tout pour préserver les plus riches), je me dis que si cela veut dire que tout ira mieux dans 300 ans avec 2-3 milliards de gens en moins, je me dis que ce sera quand même un gâchis énorme. Pourvu que ça tienne tant que je suis là (j'ai eu du bol dans ma naissance, privilégié que je suis). Et j'avoue que je reste abasourdi quand je vois des gens qui ont des enfants qui continuent à faire comme si de rien n'était (enfin si on recycle le compost mais on continue à faire 8 vols moyen courrier par an, la belle affaire) : ils pensent que ça va nuire à la vie de leurs enfants, ceux qui vont sans doute vivre jusque vers 2100 ?

Dans ce qui m'a troublé en cette fin d'année, c'est le chamboulement en Syrie. Je pensais que tout était fossilisé pour "toujours" et là d'un coup, tout s'effondre en quelques jours. J'ai été stupéfié (et ne suis pas le seul). Je reste d'un optimisme prudent pour la suite, car la barre est tellement basse. Même si je doute que l'environnement international (notamment Turquie et Israël) va aider à avoir un régime stable et démocratique (si tant est qu'il parte déjà vers plus de démocratie). Tant de monde s'accomoderait bien d'un régime stable, mais pour le reste... Tant qu'on est dans la région, je reste abasourdi de ce qui se passe un peu plus au sud. On (la communauté internationale dans sa quasi unanimité) laisse faire et ça me sidère car les exactions vont vraiment très loin. Dans 30 ou 50 ans, on se demandera comment on a pu laisser passer ça. Alors que certains (une grande partie des gens) en ont conscience.

Plus proche de nous (façon de parler), j'ai aussi été marqué par l'acte de Luigi Mansione. Bien malin qui peut dire si cela restera un acte isolé, mais quand même... tuer un CEO en "symbole", c'est quelque chose. Faut dire que le système de santé américain (qui coûte cher et rembourse peu) est vicié. Et vu que ce n'est pas prêt de changer radicalement (sauf miracle), je me demande si ça ne va pas acter une guerre larvée (?) entre les directions des assurances (plus les actionnaires) et l'immense majorité des gens.

Et enfin, l'affaire Mazan. J'espère qu'il en sortira du "bon" car ce qu'il s'est passé est effarant et met en pleine lumière le fait de mecs ordinaires (donc pas des "monstres"). J'étais largement sensibilisé à ce problème mais je pense que ce procès peut changer la donne. Et si ce n'est pas le cas, c'est à pleurer. Car Mme Pelicot est une victime "parfaite" donc si elle n'a pas gain de cause, qu'est ce qu'il faudra ? Enorme courage de sa part de ne pas vouloir un procès à huis-clos. Je reste aussi abasourdi par le retentissement qu'elle a en dehors de la France et de la francophonie : le public présent sur place, les articles de journaux. Chapeau à elle.

Deux décennies que je donne des nouvelles, c'est quand même pas rien. Plein de pensées à toi et notamment aux jeunes de maintenant à qui on livre un monde pourri et sans grand avenir (ils nous en voudront, ils auront raison), j'espère vraiment qu'on ne se dirige pas vers l'abime même si je n'y crois pas vraiment hélas. J'en suis au point à espérer que cela tienne jusqu'à mon trépas. Quant à après...

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